Emel écrit The Tunis diaries, ST4 écrit sur Tunis, sur ses murs. Ils font du pays leur journal, et de son initimité un lieu de partage.
Quand la Tunisie s’incarne dans les mots, elle prend la forme d’un journal dont on noircit les pages par amour du pays. On y chante, on y peint, c’est le lieu de rendez vous d’Emel Mathlouthi et du duo ST4, le long des murs des cités bordant la Méditerranée et ses artistes.
UN RETOUR À L’ESSENCE
Qu’il s’agisse de musique ou de fresque en calligraphie arabe, ces artistes ont en commun le désir de s’associer à l’essence du pays. ST4 s’inscrit littéralement dans les paysages urbains et ruraux tunisiens en donnant de nouvelles tonalités aux longues façades blanches sur lesquelles les regards ne s’attardaient plus. Quand à Emel, le confinement de 2020 l’a poussée à retourner à Tunis, où elle compose son album « The Tunis Diaries », nous livrant un message intime et singulier des hauteurs de sa voix et de son toit.
LA SIMPLICITÉ AU COEUR DE LA CRÉATION
Car la particularité de cet album réside d’abord dans sa création. Sur le toit-terrasse de sa maison d’enfance, surplombant la ville, Emel enregistre seule , face aux éternels couchers de soleil couleur corail, les pages d’un journal dédié à sa ville. Une guitare acoustique, une voix cristalline à décorner les boeufs ( l’expression n’a pas droit de cité ici, mais elle m’a suppliée et comme je suis très empathique … et corrompue …). Simplement dit-elle : « Je n’avais pas le luxe du matériel mais j’avais celui de l’intérieur, de l’émotion. Alors je me suis dit qu’il fallait avoir d’autant plus d’ambition. »
La douce simplicité trouve aussi son écho dans les fresques de ST4. Le projet « Houmtek », au Sud de la Tunisie consistait à valoriser le patrimoine matériel et immatériel de la région, en invitant les locaux à prendre les pinceaux pour participer à la création artistique. L’harmonie s’impose d’elle même.
L’INTIMITÉ D’UN PAYS PAR SES HABITANTS
En associant ces artistes à la rédaction d’un journal, j’aime à mettre l’emphase sur la dimension intime de leurs oeuvres. Car face à l’incertitude du monde, le sentiment d’appartenance est rassurant, apaisant. Avec un chant résonnant dans les rues de Tunis, se réverbérant sur les murs peints, Emel et ST4 dessinent les contours de leur pays, de leur identité. Ils nous rappellent la douceur d’un chez soi pour lequel chaque recoin mérite son instant d’attention. La voix d’Emel, c’est la densité dont est fait le vide, où le monde n’est que caisse de résonance. Son album est à écouter dans la tiédeur du soir d’été - Mais c’est aussi une voix du printemps.
DES MURS À ABATTRE
En 2011 à Tunis, les rues sont noires de monde et de revendications. Une voix se détache des autres, a cappella. « Kelmti Horra » qui se traduit par « Ma parole est libre ». Sur l’avenue Bourguiba, Emel s’illustre comme la voix de la révolution de Jasmin, luttant pour la chute de Ben Ali. Elle se place dans la continuité des chanteurs protestataires arabes qui l’inspirent : Cheikh Imam et Marcel Khalifé. La douceur de sa voix est à la mesure de l’émotion qu’elle suscite. Une sensibilité non sans cible. Depuis, elle a été conviée à chanter pour la remise du prix Nobel de la paix. Nombre de ses chants sont empreints de cette humanité douloureuse, comme Merrouh ( de son dernier album) qui porte sur l’exode syrien. Son répertoire est une « Invitation au voyage » baudelairien, pour dépasser les douleurs par la transcendance de la voix.
De l'âme glorieuse
et des terres chéries
nous avons écrit des lamentations
et tracé les empreintes de la marche
qui ont traversé les mers et les rivières et dans leur voyage
ont écrit notre scénario.
PS : Les travaux du duo ST4 sont à admirer soit ( solution la plus facile) en Tunisie directement ou à Paris où ils ont aussi sévi (10 Place Pinel, Paris 13e ). Autrement ( bien plus complexe, good luck camarade ... ) sur leur portfolio en ligne !
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