Ils étaient venus, ils avaient ému. En 2018, le Printemps de Bourges leur ouvrait ses bras : une première fois fondatrice, presque initiatique. Sept ans plus tard, Terrenoire revient sur cette scène comme on revient chez soi, les mains pleines d’un chemin traversé. Et si cette présence résonne pour eux comme un retour aux sources, elle est tout sauf répétition : c’est une mue, une réinvention, un rendez-vous avec leur propre devenir.
Chez Terrenoire, il n’y a pas de ligne droite. Seulement des lignes de fuite, comme ils le disent eux-mêmes, que l’on trace devant soi, et que l’on rejoint lentement. C’est ainsi qu’ils écrivent : en se projetant dans les années à venir, en questionnant sans cesse le présent, en laissant la chanson ouverte le plus longtemps possible. Dans leur bouche, la création n’est jamais un point final. Elle est mouvement, hésitation, prolongement du corps. « On écrit avec des points d’interrogation au-dessus de la tête », confient-ils. Et c’est peut-être cette fragilité-là, ce refus du figé, qui fait leur force.
Une cartographie intime
Leur nouvel album — à la fois dense, ample et épuré — est à l’image de leur démarche : une cartographie intime, une tentative de mettre en mots ce que le cœur éprouve et que la tête tente d’ordonner. Ils ont écrit leur coeur avec leur tête, comme un paradoxe assumé : ils veulent que ça pense autant que ça palpite, que ça dise quelque chose du monde sans jamais perdre le fil du sensible.
Terrenoire, ce n’est pas qu’un groupe de musique : c’est un duo de frères — Raphaël et Théo Herrerias — liés par une histoire familiale, une mémoire commune, un même besoin de transcender le réel. Leur œuvre est à la fois habitée par la poésie du quotidien et les grands élans de l’âme. À chaque morceau, ils creusent le sillon d’une musique à la frontière : entre l’intime et le politique, entre le corps et l’esprit, entre l’ombre et la lumière.
L'engagement comme colonne vertébrale
Être sur scène, pour eux, n’est jamais un acte neutre. Terrenoire est un groupe engagé. Pas de slogans faciles, pas de discours prémâchés — mais une exigence, une sincérité, une manière d’habiter le monde sans détourner les yeux. Leur engagement se niche dans les silences, dans les respirations, dans les paroles murmurées comme des confidences. Il est dans cette volonté de parler du deuil, de la mémoire, de la rage, de l’amour — sans jamais faire semblant.
Et puis il y a leur manière de faire de la musique un lieu de transformation. « Écrire te fait advenir, mais c’est aussi ce que tu es », glissent-ils en conférence de presse. Comme si chaque chanson dessinait un nouveau visage, une possibilité de soi. Comme si écrire, c’était déjà changer. Se rapprocher un peu plus de ce qu’on ignore encore de soi-même.
Bourges, une étape symbolique
Alors forcément, revenir au Printemps de Bourges a du sens. Pour eux, cette scène est plus qu’un festival : c’est un tremplin, une mémoire, un miroir. « C’est gratifiant », disent-ils simplement, mais on sent l’émotion derrière la pudeur. En 2018, ils y avaient trouvé leur place. En 2025, ils y reviennent avec la conscience du chemin parcouru, mais aussi du vertige à venir.
Car Terrenoire ne cesse jamais de chercher. Leur musique est un laboratoire permanent. Chaque chanson est une tension à accueillir. Ils n’aiment pas les certitudes, préfèrent les pistes, les doutes, les ouvertures. Ils veulent que la chanson vive, qu’elle évolue, qu’elle respire. Que ce ne soit jamais un objet fini, mais un être vivant.
Vers où fuient les lignes ?
Il y a quelque chose de cinématographique dans leur manière de parler, de chanter, de se montrer. Chaque phrase est une image. Chaque idée, un plan-séquence. Ils parlent de trajectoires, de projections, de devenir. Leurs chansons sont des tunnels avec, parfois, une lumière au bout. D’autres fois, juste un écho, une brume, un espoir.
Et dans cette époque où tout va vite, où tout doit être compris immédiatement, Terrenoire prend le contre-pied. Ils défendent la lenteur, l’ambiguïté, la poésie. Ils revendiquent l’espace du trouble. Ils offrent des morceaux qui ne peuvent s'épuiser en une seule écoute, des textes qui résistent à l’évidence. Une œuvre qu’on habite comme un paysage.
À Bourges, ils chanteront sans doute ces nouvelles lignes, ces nouvelles tentatives. Ils offriront au public ce qu’ils savent faire de mieux : des chansons qui touchent le ventre et le front, le cœur et l’esprit. Et s’il y a des silences, ce sera pour mieux écouter. Si des larmes montent, ce sera pour mieux voir. Merci Terrenoire.
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